Mon aimée, ma belle Irène,
Pensez à moi croquant la vie, ne gardez pas de moi le souvenir d’un mort. Je vous ai donné tout ce que j’ai pu. Je ne m’inquiète pas pour vous : un jour, vous n’aurez plus besoin ni de moi, ni de mes lettres, ni de mon souvenir. Vous savez combien j’aime vos parents, qui sont aussi devenus les miens. C’est grâce à des Français comme eux que j’ai appris à connaître et à aimer la France, ma France. Que ma mort soit pour eux une source de fierté, plutôt que de tristesse. Pour être franc, mon courage ne mérite point d’éloge. La mort pour moi n’est que l’accomplissement du Grand Amour, le passage dans la véritable réalité. Sur cette terre, cet accomplissement, c’est à vous que je le dois. Gardez cette alliance en ma mémoire : je l’embrasse en l’enlevant. Qu’il est bon de mourir sain de corps et d’esprit, dans la plénitude des forces de mon âme. Sans aucun doute, je préfère de loin cette fin, plutôt que de tomber soudainement sur un champ de bataille ou de m’éteindre lentement dans l’agonie de la maladie. Mon amour, je vous envoie du fond de mon âme une tendresse éternelle. Je suis entouré de votre amour, de notre amour, plus fort que la mort. Le soleil éternel de l’amour s’élèvera des abysses de la mort. Mon aimée, je suis prêt, je pars. Je bénis la vie qui m’a tant offert. A tout jamais je reste votre dévoué,
Boris.